[Exposition] Une deuxième image à la Maison des Arts de Malakoff

31/03/2016 16:42

 

Jusqu’à quel point l’image rend-elle visible son propos ? Si la question habite chaque exposition, elle prend ici son importance en ce que l’image n’invite pas uniquement à voir sa propre concrétisation, mais bel et bien à ouvrir sa portée sur d’autres images. De la première image perceptible sans attention particulière se dessinerait alors une deuxième image, et dans sa suite d’autres concrétisations, seules garantes du propos que nous nous devons d’atteindre. Il faut donc voir, bien sûr, mais aussi revoir, pour peut-être cerner ce qui auparavant relevait d’un a priori et qui n’était pas le discours à saisir, cerner ce qui donnerait lieu à une relecture, une véritable lecture, et par-là remettre en question le seuil d’une réflexion qui ne révèle pas au premier coup d’œil ses enjeux. Dans ce champ d’images qui camoufle autant qu’il dévoile, à quel moment dans l’expérience de perception l’objet se suffit-il à lui-même ? Si la deuxième image ne se réalise pas, quel rôle dans ce cas donner au texte qui l’accompagne ? Affaire d’attention comme d’attribution, de l’image ou du texte, il n’est pas dit avec certitude que l’un ou l’autre matérialise en nous leurs objectifs, à moins peut-être de se contenter de les imaginer, à défaut de les voir.  

 

Une deuxième image – Images choisies

 

Pour Raphaële Bezin, assise à l’arrière d’un taxi, la perception passe d’abord par le dialogue. Un dialogue qui, lorsque ses participants se taisent pour réfléchir, laisse à l’œil la possibilité de s’égarer derrière la fenêtre du passager où l’on comprend à y faire mieux attention que c’est là le réel sujet. Dehors se réalise l’image. L’image qui exemplifie les dires, l’image qui télescopée au dialogue devient autre chose qu’un simple décor. Et là, pendant que des soldats courent dans la vallée en évitant les tirs ennemis, l’artiste continue à discuter calmement de films et réalisateurs dans cette voiture, avec tout le comique et le paradoxal que la juxtaposition de ces deux plans provoque. Chez Renaud Auguste Dormeuil, c’est l’absence de dialogue qui fait perception. Du Vertigo d’Hitchcock, il n’en garde que les séquences musicales et les monte bout-à-bout pour proposer une version muette du film. Ou plus précisément une version mutée qui en aucun cas n’agira selon les codes d’un film muet.

Avec la sculpture de François Bianco, il faut se pencher pour apercevoir. Car la structure à la manière du couvercle cache son contenu, car la faible ouverture ne permet pas de déceler au loin l’image, c’est dans l’effort, au plus près du sol, que nous la découvrons. A l’opposé, chez Fabrice Samyn, il nous suffit de marcher pour provoquer l’apparition. C’est pas à pas, grâce à nous, que l’éclipse dont il est question dans ce cylindre se réalise.

Des pages du livre de Jérémie Bennequin, le texte s’offre à nous gommé. Sans loupe, sans autre indication outre mesure, il faut déchiffrer, recomposer, voire laisser-faire les lettres devenir image sans autre lien tangible entre signifiant et signifié. Sans doute est-ce là que la deuxième image convie le plus de possibles : quand ce qui faisait sens par le mot apparaît équivoque par l’image, quand la poétique de l’effacement germant dans sa suite traits et autres fritures remplace les consonnes et les voyelles.

De l’image de Kyrill Charbonnel, nous n’en voyons que l’installation de ces tubes lumineux. Ce n’est qu’avec le communiqué, avec l’histoire qu’il invite à suivre que l’on se doit d’imaginer comment ces tubes peuvent devenir lumineux. Là, présentés à nous au repos, rien n’indique une autre image, à la manière d’un corps qui dépossédé ne transmet rien d’autre que sa propre absence.

 

Mathieu Lelièvre

 

 

Une deuxième image

Exposition en cours à La Maison des Arts de Malakoff jusqu’au 08 mai 2016

105, avenue du 12 février 1934 – 92240 Malakoff

 

Pour en savoir plus

Maison des Arts, Centre d’art contemporain de Malakoff

Jérémie Bennequin

François Bianco

Kyrill Charbonnel

Fabrice Samyn